Flexibilité sur le réseau électrique… Mal nécessaire ou opportunité ?
Il y a trente ou quarante ans, il se disait que l’on distinguait deux choses depuis la lune : la grande muraille de Chine, en journée… et les autoroutes de Belgique, la nuit. Cette histoire, qui a fait le tour du monde, est certainement éculée aujourd’hui, mais la problématique du stockage de l’énergie n’a quant à elle pas disparu. On pourrait donc encore penser qu’éclairer des autoroutes avec une énergie perdue ne coûte rien, même si l’on sait que l’éclairage public n’est pas qu’une question d’énergie…
On en déduira que la gestion d’un réseau électrique est une vraie problématique en soi puisqu’il y est, en l’espèce, question d’équilibre. Pour faire court, nous dirons que les opérateurs gestionnaires, outre les moyens de transport, ont surtout pour charge de s’assurer qu’à une demande en constante évolution… corresponde une production suffisante. Car vous l’aurez compris, le stockage n’est pas (encore) une alternative à la mesure d’un réseau. L’équilibre est donc tendu, les actions n’étant possibles qu’au niveau du volume de production ou de la demande. Pas simple…
Agir sur la demande est difficile…
Vraiment pas simple de jouer les régulateurs dans un monde qui ne se laisse aucunement dicter ses modes de vie, de consommation et/ou les contours de son évolution. Du coup, sauf à penser que l’on pourrait spontanément imposer des li-mites de consommation répondant à des standards édictés sur base d’un potentiel de production, les marges de manœuvres sont assez faibles pour faire coïncider les chiffres de la production inhérents à des périodes données et des habitudes d’utilisation s’inscrivant dans une logique exclusivement consumériste.
L'opérateur du réseau d'électricité va dès lors se trouver contraint d’intervenir ailleurs pour niveler la consommation et s’affranchir des exigences de sa clientèle. En un mot comme en cent, il lui faudra trouver des solutions, ce qui passera par exemple par des accords avec des grands sites industriels acceptant de postposer leur(s) demande(s) lors des pics de consommation. Concrètement, à la demande de l’opérateur réseau, les industriels partie prenante de l’accord seront tenus de réduire leur consommation, avec indemnisation/rémunération à la clé, permettant d’injecter toute la puissance utile pour le consommateur lambda au moment T.
Agir sur la production…
Une autre alternative consiste à se tourner non plus vers le consommateur… mais plutôt vers le producteur. Ben oui, il suffit en l’espèce de s’attacher à produire ce que l’on vend ! L’évidence des évidences, pourrait-on penser à première vue. Malheureusement, ce qui est évident naturellement masque souvent des vérités cachées... Ainsi, s’il paraît aisé de moduler (ou carrément de solliciter) la production de certaines centrales (au gaz, fuel, biomasse), tout n’est pas aussi simple dans l’absolu.
Sans rien dévoiler de très secret, ni entrer dans les coulisses de centrales plus touchy, il n’y a de doute pour personne que l’on n’agit pas ainsi sur les chiffres de production bien moins souples du nucléaire. Pas davantage qu’il n’est aisé d’importer de la puissance électrique, le voisin étant souvent impacté comme nous pouvons l’être par la rigueur climatique s’accommodant assez peu des frontières. À cette imprévisibilité d’approvisionnement s’ajoute celle du parc renouvelable, au premier rang duquel l’éolien fait bonne figure.
Et acheter !
Tout ceci expliquant ce qui motive l'opérateur du réseau d'électricité belge à contracter des productions décentralisées pour l'aider à équilibrer son réseau. Ces productions sont en général activées quelques fois par an, notamment quand un déséquilibre important se présente (erreur importante de prévision). Côté coûts, ici aussi, nous noterons que ces besoins inopinés seront achetés aux propriétaires de systèmes de production décentralisés, sur base fixe et suivant les activations.
Prenons un exemple pour bien comprendre ce dernier cas. En 2016, dans le cadre d’un contrat signé avec Elia, une entreprise a été sollicitée à trois reprises. Elle a ainsi activé son groupe électrogène de 1 MW pendant 3 heures. En contre-partie, cette entreprise a perçu 18.000 euros au titre de la capacité disponible, auxquels sont venus s’ajouter un peu plus de 500 autres euros pour l’énergie injectée.
Finalement, voilà somme toute une bonne affaire pour valoriser un générateur de secours jusque-là rarement utilisé.
En collaboration avec
Mathieu Barthelemy - Conseiller Energie CCILB
Pierre-Henri Gresse - Flexide managing Partner & Founder
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